L'apparition d'une nouvelle revue s'accompagne généralement de l'évocation des motifs qui animent ceux qui la lancent, d'un aperçu des circonstances qui ont permis ce lancement, et d'une profession de foi dans les objectifs qu'elle entend poursuivre. On ne dérogera pas ici à la règle.
Res Militaris est un vieux projet. Il s'agissait, et il s'agit encore, de donner à la recherche européenne en sciences sociales dans le champ militaire, au sens le plus large, un canal d'expression, et d'ouvrir ainsi un dialogue avec les revues américaines établies de longue date. Il fut d'abord envisagé, à la fin de 1996 (avec le soutien de Wilfried von Bredow, Christopher Dandeker et David Segal), sous la forme d'une revue européenne trilingue (anglais, français, allemand), sur support papier. Concours et appuis ayant longtemps fait défaut, le projet est resté plus d'une décennie dans des cartons.
La foi et la persévérance ont toutefois fini par l'emporter. La technologie, plus précisément la possibilité de publier sur Internet, le concours déterminé d'une ancienne doctorante, Laure Bardiès, et le soutien à son lancement de la Fondation Saint-Cyr ont changé la donne en 2009, et remis le projet sur les rails. La chance a voulu qu'une cinquantaine de personnalités venues de seize pays - universitaires, officiers, journalistes - répondent à l'appel et acceptent de constituer les comités de lecture et de patronage que requiert une revue scientifique qui se respecte. Entre-temps, l'option d'une publication trilingue avait été jugée trop lourde à porter, et la diversité linguistique réduite à l'anglais et au français. Il fut également décidé d'un rythme de publication de trois numéros par an, hors numéros thématiques spéciaux. Res Militaris sera en accès libre tant que la revue disposera des soutiens financiers nécessaires.
Le registre militaire est riche, et la revue ne s'interdira d'aborder aucune de ses facettes. Il s'agit de promouvoir la réflexion de caractère scientifique sur le rôle, la place et la légitimité de la force dans le monde contemporain, l'évolution de ses modalités de maniement, ses causes ou raisons et conséquences, et les aspects fonctionnels et sociopolitiques des institutions militaires. Revue interdisciplinaire de sciences sociales, Res Militaris propose des contributions de sociologues, de politistes, d'historiens, de géographes, d'économistes, d'anthropologues, de psychologues, de juristes, de philosophes et de spécialistes de management. Celles de praticiens ou de témoins de l'action et des organisations martiales, qu'ils soient officiers, diplomates, fonctionnaires civils nationaux et internationaux, journalistes correspondants de défense, ou cadres d'organisations non gouvernementales, sont les bienvenues.
Le lectorat ciblé est divers, et on l'espère large, au double plan géographique et socioprofessionnel. La revue s'adresse bien sûr aux universitaires spécialistes des sujets traités, et à leurs étudiants de doctorat ou de master. Elle vise aussi les cadres militaires, les journalistes, les fonctionnaires, les responsables d'organisations internationales, partis ou associations qu'intéressent ces thèmes. Au-delà, elle ambitionne de pouvoir atteindre le citoyen profane qui cherche à comprendre l'évolution du maniement de la force dans le monde où nous vivons.
Mais mieux peut-être qu'un long discours programmatique, la découverte de ce numéro inaugural permettra au lecteur de se faire une idée du propos qui est celui de Res Militaris.