La guerre est un objet total par excellence dans le règne humain. Son étude scientifique exige les démarches conjointes de trois disciplines. La philosophie définit de quoi l'on parle par une analyse conceptuelle et précise comment il convient de s'y prendre pour en parler sous le signe de la vérité. L'histoire s'attache aux cas et aux occurrences dans la matière historique et les élabore à partir des documents disponibles, pour les faire servir à des fins d'expérimentation et de test des théories. La sociologie, enfin, s'efforce de repérer et de peser les facteurs pertinents pour expliquer les faits constatés.
Pour la philosophie, la guerre est un conflit violent entre polities sur une transpolitie. Cette définition conceptuelle permet d'esquisser le programme et le plan de travail d'une sociologie de la guerre. Elle repose sur deux problématiques distinctes, celle de la guerre et de la paix entre polities sur des transpolities, celle des voies et des moyens de l'expression de la violence par les polities en guerre. L'objectif étant de repérer des facteurs pertinents, l'entreprise ne peut réussir que par la comparaison entre occurrences historiques de guerres, en prenant en compte tous les contextes à toutes les époques.
La problématique de la guerre et de la paix gagne en pertinence et en fécondité, en procédant au repérage des différents types de polities ; en distinguant entre plusieurs configurations transpolitiques et en précisant la logique propre à chacune ; en s'efforçant d'apprécier les degrés d'homogénéité et d'hétérogénéité des polities en guerre. La problématique de la violence guerrière s'attache tant à l'ensemble des phénomènes qui l'expriment, ses moyens, ses enjeux, ses styles, qu'aux facteurs politiques, démographiques, techniques, économiques et autres, qui pèsent sur elle, et, réciproquement, aux contraintes et aux effets qu'elle exerce sur les développements politiques, religieux, idéologiques, civilisationnels et autres.
War is a total phenomenon par excellence in the reign of Man. Its scientific study jointly requires three disciplinary perspectives. Philosophy defines the object of study through conceptual analysis, and identifies the ways in which it should be approached with a fair chance of getting at the truth. History looks at cases and occurrences in the flow of events, elaborates them on the basis of available evidence, and uses them for experimentation and theory-testing purposes. Sociology locates and weighs the relevant factors at play in war with a view to explaining the facts involved.
From the perspective of philosophy, war is a violent conflict of polities over a transpolity. Such a conceptual definition serves to outline the programme and work plan for the sociology of war, in terms of two distinct central issues: war and peace among polities over given transpolities, and the ways and means through which the violence used by warring polities expresses itself. As the objective is to identify relevant factors, success implies comparisons of occurrences covering historical experience in its entirety.
The study of war and peace stands to gain, in terms of increased relevance and fruitfulness, by identifying the various types of polities; by distinguishing several transpolitical configurations; and by assessing the degrees of homogeneity and heterogeneity among warring polities. It should seek to embrace the whole range of phenomena - means, stakes, styles - in which the violence of war materializes, as well as the factors - political, demographic, technological, economic or otherwise - that bear on it; conversely, the constraints that war creates for, as well as its consequences on, political, religious, ideological, civilizational or other developments are part and parcel of the province it should cover.
Mots-clés
Guerre ; paix ; violence ; sociologie ; histoire ; philosophie ; polities ; transpolities.
Keywords
War; peace; violence; sociology; history; philosophy; polities; transpolities.
Citation
Baechler, Jean, “Éléments de sociologie de la guerre”, Res Militaris, an on-line social science journal, vol. 1, n° 1, Autumn/Automne 2010.